Edito

Chers Amis,
Comme le temps passe, C’était presque il y a un quart de siècle et vous receviez peut-être le premier exemplaire de la présente Gazette. Vingt deux numéros ont suivi. Avec, plus de trois cents articles écrits par de fidèles amis et correspondants sur la pédagogie, la psychologie, la linguistique, la typographie et les problèmes de société ; souvent novateurs parfois critiques mais sans sectarisme. Rédigés par des amis enseignants, responsables en éducation, chercheurs, universitaires, auteurs d’ouvrages de sciences humaines….
Ce temps qui passe et qui nous conduit à bouger, à évoluer et pour moi, à passer le flambeau. C’est à Jean Marie Kroczek que j’avais rencontré il y a plusieurs dizaines d’années, Inspecteur de l’Éducation Nationale devenu un ami avec qui je partage de nombreuses idées sur les thèmes développés dans cette revue que j’ai demandé de reprendre ce flambeau ; sans pour autant cesser de collaborer à cette entreprise.
Passons du fond à la forme. Et c’est également le moment de moderniser cette présente revue; de modifier la structure, des mises en pages et surtout d’accompagner cette édition Gutenbérienne par la publication d’un blog.
Merci à tous, auteurs, collaborateurs, lecteurs, de poursuivre avec Jean Marie
l’aventure éditoriale de cette Gazette…


F.Richaudeau.

François Richaudeau dans sa bibliothèque à Lurs

Ecole et société

Depression


Il peut paraître étrange, voire provocateur, d’évoquer aujourd’hui « la dépression à l’école ». Beaucoup de maîtres, en effet, se plaignent, plutôt, d’une excessive excitation des élèves. Ils ont des difficultés à les faire tenir en place, à obtenir d’eux ce qu’ils nomment du « calme ». Et ils s’épuisent à demander du silence, à solliciter de l’attention, à contenir les débordements. « S’ils pouvaient être un plus dépressifs, me disait récemment un professeur, nous parviendrions peut-être à obtenir quelque chose d’eux ! »
C’est que les élèves donnent bien le change. Effectivement, ils sont agités… Mais ils sont aussi dépressifs et c’est justement pour cela qu’ils ne parviennent pas à s’investir dans le travail qui leur est proposé. C’est pour cela que les savoirs scolaires glissent sur eux sans jamais paraître les atteindre. C’est pour cela qu’ils nous renvoient à longueur de journée aux adultes une indifférence plus ou moins affectée. C’est pour cela qu’ils répondent à nos sollicitations par l’affirmation, mille fois répétée sous mille forme, que « la vraie vie est ailleurs ».
En réalité, nos élèves vivent une profonde déprime. Au sens propre du terme : on déprime quand rien ne prime.
Tel est le lot, en effet, des enfants de ce siècle : ils grandissent au milieu d’une multitude de sollicitations de toutes sortes que rien ne permet de hiérarchiser… publicités et informations, messages personnels et signaux institutionnels en tous genres. Entre textos et slogans, titres de journaux et banderoles publicitaires, images de violence et violence des images, interdits de leurs parents et incitation des publicitaires à satisfaire tous leurs caprices, ordres et contre-ordres criés par des adultes de plus en plus excités, ils ont toutes les peines du monde à se donner des priorités, à identifier ce qui est vraiment important. Tout arrive en permanence à leur cerveau et de manière désordonnée. Ils sont pris dans un tourbillon auquel ils ne peuvent jamais faire face sereinement. Et ils finissent par accompagner le mouvement. Grisés par cette accélération vertigineuse du monde, ils se laissent emporter et en rajoutent même. L’excitation engendre de l’excitation. Surtout quand, pour tenter de la calmer, on se lance dans de vigoureuses mises en garde ou qu’on répond au bruit par le cri, aux gestes par la gesticulation, à la violence des mots par celle des actes et à celle des actes par celle des mots. La surenchère survient alors : une fuite en avant vers la destruction du monde ou la destruction de soi. Vers la brutalité ou l’abattement, les coups ou la dépression…Ainsi nos élèves ont-ils toutes les peines du monde à se fixer. À fixer leur attention. À fixer leur regard. À se fixer dans un endroit et sur un travail. À se fixer des objectifs. À se fixer des limites. Ils ne parviennent pas à se fixer un horizon qui leur permettrait d’avancer… Ils se dispersent, à tous les sens du terme, et ne réussissent que très rarement à trouver une unité.

C’est pourquoi, pour lutter contre la déprime, les éducateurs de la postmodernité doivent mettre en place une pédagogie du projet. Quoique le terme soit usé – parce qu’utilisé à tort et à travers – il renvoie, en effet, à ce qui est constitutif d’un sujet qui se construit et se développe. Par le projet, l’enfant sort du caprice pour mettre en œuvre sa volonté. Par le projet, il vectorise sa vie. Par le projet, il abandonne le tout-présent pour anticiper un futur. Par le projet, il ressaisit ses actes et trouve de la cohérence quand il ne vivait que dans un télescopage d’impulsions chaotique.
Mais on n’impose pas un projet à un sujet. Ce serait absurde. Par définition, un projet suppose un engagement d’un sujet… Pourtant, symétriquement, on ne peut s’engager seul dans un projet, quand rien ne vous est proposé, quand aucun futur n’est esquissé, quand on n’entrevoit même pas les satisfactions qui pourraient venir. L’adulte ne peut jamais contraindre un enfant à épouser un projet, mais il peut toujours l’inscrire dans des situations propices à cette dynamique… Inutile de le brutaliser : « Mais tu sortiras, bon sang, de ta léthargie ou de ton excitation pour t’intéresser vraiment à quelque chose ! ». Impossible aussi de l’abandonner sans perspectives : « Après tout, c’est ta vie ! Si tu veux la gâcher, c’est ton problème ! »… Nous pouvons, en revanche, organiser un environnement stimulant, favoriser les rencontres fécondes, faire des propositions, ménager des ouvertures, proposer des ressources, aider à s’organiser… tout ce qui caractérise précisément une « pédagogie du projet ».
Ainsi l’élève pourra-t-il s’investir dans quelque chose qui va primer pour lui. Il deviendra lui-même exigeant sur ses propres projets et, si nous savons l’accompagner, il pourra même produire un vrai « chef d’œuvre ». Il pourra, au bout du compte et selon la maxime que Pestalozzi formulait pour toute éducation, « se faire œuvre de lui-même. »


Philippe MEIRIEU

Société

Comment résoudre la question de la carte scolaire?


Beaucoup ignorent que la carte scolaire n'est qu'un découpage d'une commune consécutif au plan ou au projet d'urbanisme et aux places respectives qu'il a données aux logements sociaux, aux quartiers résidentiels, aux zones industrielles, artisanales ou commerciales et aux espaces verts. La responsabilité de l'urbanisme comme celle de la sectorisation des écoles incombe entièrement aux maires. Mais elle est différente selon que leurs prédécesseurs ont choisi soit de pratiquer une politique d'implantation massive de logements sociaux, comme en banlieue parisienne, soit de construire des logements de grand standing au milieu de grands espaces verts protégés, comme sur la Côte d'Azur, soit de répartir les logements sociaux à l'ouest et les autres habitations à l'est de leur commune.
Ceux qui ont une politique volontariste de mixité sociale en milieu scolaire découpent leur commune en secteurs scolaires qui conduisent à transporter certains enfants de quartiers défavorisés vers des écoles de meilleure réputation mais éloignées de leur domicile. Et les parents protestent. ..
L'urbanisme précédant la sectorisation sco1aire, une décision coercitive mais consensuelle de l'État est nécessaire. Je proposerais quatre mesures :
1- Quadriller le territoire de chaque commune en secteurs d'un kilomètre carré à partir des carrés d'un kilomètre de côté du carroyage Lambert des cartes IGN au 1/50 000ème;
2- Créer un "observatoire de la mixité sociale dans les écoles" (OMSE) composé d'experts et chargé de définir une fourchette universelle de taux de logements sociaux par rapport à l'ensemble des habitations (10 à 15 % par exemple);
3- Donner aux communes 25 ans pour mettre leur habitat en conformité avec la fourchette ainsi définie, détruire les habitations en surnombre de l'une des deux catégories et/ou construire les habitations en déficit dans l'autre. Tout permis de construire accordé par le maire ne permettant pas d'approcher les quotas définis serait déclaré nul par le préfet;
4- En attendant, maintenir la carte scolaire, autoriser les familles qui le souhaiteraient à y déroger, mais attribuer les moyens à chaque école (personnels, locaux, crédits) en fonction des effectifs théoriques du secteur de recrutement et non en fonction des effectifs réels.
Ainsi les familles choisissant d'inscrire leurs enfants dans une autre école, libéreraient des moyens pour les autres et diminueraient ceux mis à la disposition du directeur de l'école publique ou privée sous contrat qui accepterait de recevoir des élèves en surnombre.
L'OMSE aurait pour mission de surveiller et d'évaluer la mise en Oeuvre du quadrillage et l'aménagement provisoire de la carte scolaire.
Les secteurs de collège et districts de lycée regroupant des écoles elles-mêmes devenues socialement mixtes le deviendraient évidemment à leur tour.

Gérard A. Castellani
IA IPR honoraire

Culture et livre

Livre papier ou livre numérique


Les avantages du livre numérique sur Internet relèvent maintenant du lieu commun. Et l’on oublie alors certains modes de lectures propres à son rival, le livre papier Gutenbérien impossibles sur l’écran.
Faire connaissance.
Lorsque, j’ouvre un livre papier, de non fiction, je suis souvent tenté de procéder à son feuilletage qui me fournit rapidement des informations très générales sur son contenu et m’indique les proportions entre les thèmes abordés. 1 Opération quasi impossible avec le livre écran car, elle m’obligerait à faire défiler la suite de toutes les pages.
Se retrouver.
Abordons maintenant, la lecture active de l’ouvrage. Quelles pages suscitent plus particulièrement mon intérêt? Facile de pouvoir les retrouver, soit en les cornant, soit en insérant sur le côté de chacune, un signet ou un trombone, hélas impossible sur les pages du livre écran.
Dialoguer.
Mais mon intérêt pour certains textes, me conduit à souligner ou surligner ou encadrer des mots ou des phrases. Et même à inscrire en marge mes commentaires positifs ou négatifs.
Opérations impossibles sur les pages écran.
Un nouveau livre.
Et le livre Gutenbérien que je viens de parcourir, peut-être partiellement, mais activement est devenu un autre livre : mon livre. Alors, que sa version informatisée est restée inchangée froide, et étrangère.
Un compromis.
Et, pourquoi, ne pas éditer, les deux versions : numériques et Gutenbérienne2 La première, gratuite comme beaucoup de produits sur Internet et peut-être allégée. La seconde complète, mais payante achetable sur le Net ou en librairie, suite à l’intérêt suscité par la lecture même partielle de la version sur l’écran. Utopie ?

Marcel Renaud


1 Encore faut-il, que chaque bonnes pages soient annoncées par un titre courant, résumant son contenu. Ce qui hélas n’est pas toujours le cas dans l’édition française.
2 Proposition entendue au cours de l’émission travaux publics sur France Culture.

Linguistique

Du signifiant au signifié


C’est Ferdinand de Saussure dans son Cours de Linguistique Générale (référence à mettre)
qui montre, la double nature de chaque mot de notre langage, analysable en signifiant et signifié, le signifiant exprimé en langage oral ou en langage parlé, le signifié plus mystérieux, correspondant au sens du mot. Ou plus généralement à ces sens compte tenu de la polysémie de notre langue.
Structurellement, nous pouvons représenter cette analyse au sein d’un immense réseau par plusieurs nœuds au confluent de plusieurs facteurs :
- un nœud pour le signifiant à la convergence d’alphabets de signes phonétiques ou écrits,
- ce nœud relié à un nœud ( ou plusieurs en cas de polysémie ) ou convergent différentes informations de natures sensorielles ou abstraites,
Une question alors se pose : ce couplage entre signifiant et signifié est-il permanent, obligatoire. Autrement dit, quand nous pensons à un objet mental, notre esprit le relit-il obligatoirement à un signifiant en l’articulant soit en le chuchotant imperceptiblement ou même purement mentalement. La question est d’importance, rappelons l ‘affirmation de l’apôtre Jean…. « Au début était le verbe …Par lui tout a existé et sans lui rien n’a existé de ce qui existe » et plus près de nous l’affirmation de Merleau Ponti « Une pensée qui se contenterait d’exister pour soi hors des gènes de la parole, tomberait dans l’inconscient, ce qui revient à dire qu’elle n’existerait même pas pour soi »
Ce qui semble en contradiction avec les confessions de chercheurs éminents, concernant leurs
Processus de création. Plus prosaïquement comme il arrive à certains d’entre nous devant présenter quelqu’un d’avoir oublié son nom (son signifiant ) alors que notre mémoire sur son compte est riche d’informations ( son signifié) tant matériel qu’affectives et intellectuelles
Et, l’on sait que le très jeune bébé, incapable d’articuler des mots, est déjà riche de comportements mentaux. Réflexions, qui ne peuvent évidemment masquer les interactions entre langage et pensées qui historiquement ont été à la base de nos civilisations.
Mais reconnaissons cette hiérarchie entre les deux concepts : alors que les signifiés sans signifiants, peuvent exister utilement, tandis les signifiants sans signifiés, ne présentent aucune espèce d’intérêt.
Trêve de généralités abstraites : il n’empêche que des réflexions sur le couple signifiant, signifié pourraient peut-être nous aider au sein de certaines activités pédagogiques : par exemple l’apprentissage de la lecture.

F.Richaudeau

Linguistique

Quelle grammaire enseigner?


Le mot grammaire avec son suffixe « aire » est ambigu. Il devrait désigner le recueil, l'instrument comme dictionnaire, syllabaire. Or en latin, grammatica, d’où est issu grammaire n'a pas cette signification : il signifie « la science qui s'occupe de ». Nous devrions donc dire grammatique comme mathématique, ou linguistique. (Les allemands disent grammatik)
Or, l’enfant n’apprend pas sa langue maternelle par la répétition de règles, car une langue n’est pas un dictionnaire de phrases que l’on stockerait en mémoire. Chaque énoncé est le résultat d’un travail mental fait d’une succession d’opérations mettant en œuvre les principes du code grammatical. Pour apprendre sa langue maternelle l’enfant doit percer ce code, déchiffrer pas à pas les règles qui lui donneront les clés de celle-ci. C’est pourquoi l’acquisition de la langue maternelle, loin d’être la banale routine que l’on croit, est au contraire une réussite extraordinaire. Une fois que l’enfant a appris toutes les façons de « modeler la pâte », tout le champ de l’expression lui est ouvert.
 
Mais, lorsque l’enfant arrive à l’école on lui fait croire que l’apprentissage du français est un savoir complètement extérieur à lui-même et qu’il va apprendre des choses qu’il ignore. L’enseignement de la grammaire devrait plutôt permettre à l’enfant de rendre conscientes les règles. La grammaire devrait être le domaine de la compréhension et de l’intelligence consciente. L’apprentissage de la langue maternelle par l’enfant et son observation nous permettent de donner un autre sens au mot grammaire : La grammaire d’une langue est l’ensemble des moyens mentaux dont nous disposons pour construire nos phrases et nos énoncés.
Ainsi, l’enfant et le grammairien seraient tous deux des perceurs de code, des décrypteurs. Or, ce lien qui les unit tend à disparaître à l’école. Après avoir été une grammaire prescriptive – les règles du bien dire – la grammaire traditionnelle est devenue une grammaire descriptive – la grammaire du comment. Souhaitons que la timide avancée de l’ORL ne soit pas arrêtée par les nouvelles instructions ministérielles !
Le véritable but d’une grammaire devrait être de découvrir les moyens qu’elle propose pour construire sans cesse de nouveaux énoncés. La grammaire traditionnelle tend à faire croire à l’enseignant et à l’apprenant que le langage modèle la pensée, ainsi qu’à la prééminence de la structure linéaire de ce langage. Or, la prise de conscience du principe de non-linéarité du discours est une des conditions de l’apprentissage d’une langue. Il serait souhaitable que nous allions vers une grammaire du pourquoi, explicative, ambitionnant de découvrir les lois et les principes qui régissent une langue et les opérations qui ont été effectuées en amont de la phrase, le produit fini.

Dominique Grandpierre

Culture de l'écrit

Comment parler des livres que l'on a pas lu ?
A propos du livre de Pierre Bayard



Comment parler de Michel de Montaigne et de Paul Valéry, que l’on a pas lus ?
Comment parler de Umberto Ecco, de Graham Green, et de quelques autres que l’on a pas lus ?
Pourquoi ne pas lire les textes que l’on doit commenter ?
Comment signer des livres que l’on a pas écrits?
Pourquoi écrire des livres qui ne seront jamais lus ?
Contrairement à ce que ce titre de l’ouvrage pourrait paraître signifier, ce livre n’est pas un manuel pratique donnant à chacun des trucs pour briller au cours d’un dîner ou d’un colloque à propos d’un livre que l’on n’aurait pas lu. Mais c’est beaucoup plus un ensemble de réflexions intelligentes et parfois, non conformistes sur les lectures.

Comment parler de Michel de Montaigne et de Paul Valéry que l’on a pas lus.
L’auteur nous entretient de ces deux grands écrivains et princes de l’introspection : Michel de Montaigne et Paul Valéry. Tous deux paradoxalement mauvais ou faibles lecteurs.
Montaigne qui se dit incapable de retenir des noms propres et avoue ne pas reconnaître assez souvent les textes qu’il avait écrits dans le passé.
Paul Valéry avoue lire très peu, mais se reconnaît capable d’écrire sur des textes qu’il n’a pas lus. Ainsi, au cours d’un brillant discours à l’Académie française sur le philosophe Henri Bergson, à l’occasion de ses obsèques, on croit découvrir beaucoup de choses, sur l’œuvre de ce dernier. Mais, si l’on est au courant de l’ignorance du premier, on ne perçoit alors que de brillantes généralités sans aucune information précise et originale. Encore faut-il le génie stylistique de Valéry pour nous tromper ainsi.
Toujours devant la célèbre institution ayant à prononcer l’éloge funèbre de Anatole France, auquel il succède, il ne se prive pas contrairement à la tradition de dénigrer l’œuvre de l’écrivain. Paradoxe, Anatole France, était connu comme étant un grand et passionné lecteur.

Comment parler de Umberto Ecco, Graham Green, et de quelques autres que l’on a pas lus.
L’auteur du Nom de la rose nous associe aux recherches et enquêtes de son moine détective sur les meurtres de plusieurs frères. Et, finalement tout converge sur la personnalité de l’assassin : le bibliothécaire aveugle du Monastère obsédé par le secret qui entoure un livre célèbre mais unique le traité d’Aristote sur le rire dont les pages son entre collées et enduites de poison pour tuer les lecteurs. Mais encore, après cette révélation finale, Umberto Ecco laisse-t-il planer un doute : la vérité serait-elle autre ?

Passons du Moyen Age au temps moderne avec Graham Green et son roman. Le troisième homme. L’un des personnages principaux découvre qu’un romancier connu possède le même nom que lui, et se retrouve propulsé à un colloque consacré à ce dernier. Il se tirera d’affaire grâce à de brillantes généralités et en refusant de répondre à certaines questions précises en narguant justement de son droit à une certaine réserve.
Après ces auteurs de langues italiennes et anglaises
Pierre Bayard nous entraîne ensuite aux non lectures d’écrivains renommés de langue française,( Balzac) autrichienne,(Musil) anglaise ,( David Lodge ) japonaise ( Sôseki)…
Mais, chaque récit, n’est que le prétexte à des analyses et des interprétations pertinentes approfondies et souvent non conformistes. Non conformistes, du moins dans l’esprit de critiques et de pédagogues académiques, ce qui le conduit a nous initier à des modes variées de lectures : lecture intérieure, lecture profonde : lecture virtuelle, lecture écran, lecture prétexte, lecture fugitive, lecture fantôme…

Pourquoi ne pas lire les textes que l’on doit commenter ?
Passons maintenant et c’est plus sérieux de l’invention orale à l’invention par l’écrit à propos de livres que l’on a pas lus.
Pierre Bayard achève sa tournée avec Oscar Wilde, le plus provocant, qui prétend qu’il ne faut pas consacrer plus de six minutes à la lecture de tout ouvrage et plus encore qu’un critique ne doit pas préalablement lire le texte, dont-il doit rendre compte.
Pour lui, le commentateur est plus compétent que le commenté. Et, il se retranche notamment, derrière Gustave Flaubert qui se vantait à propos de Madame Bovary de faire « un livre sur rien» et en consacra un aux habitants de Yonville. Contrairement, à ce que laissait entendre la classification de réalisme, qui lui est souvent attribuée, la littérature pour Flaubert est autonome par rapport au monde et obéit donc à ses propres lois. Elle n’a donc pas à se soucier de la réalité, même si celle-ci est présente à l’arrière plan et doit trouver elle-même sa propre cohérence.
Et, notre auteur conclut en rapprochant la critique de l’art – qui ne doit lui aussi utiliser la réalité que comme un prétexte -
Et, il termine, en reprenant la provocante formule d’Oscar Wilde « Tenir l’œuvre à distance, je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique, on se laisse tellement influencer »
J’abandonne maintenant ce livre si stimulant avec des considérations plus prosaïques sur les lectures et les écritures, dans notre monde contemporain, littéraire, et éditorial. Quand on songe au statut le plus fréquent de nos critiques littéraires astreints à des comptes rendus réguliers et par ailleurs fréquemment, auteur de préfaces, directeurs de chroniques, de collections, conseillers éditoriaux, membres de colloques et de jury…, et eux-mêmes auteurs. Il est bien évident, qu’ils ne disposent pas du temps pour sélectionner les ouvrages dont-ils parleront, et les lire intégralement.  Ils n’ont, ni l’objectivité, ni le recul que l’on pourrait souhaiter.

Comment signer des livres que l’on a pas écrits ?
Combien, de textes publiés dans l’édition contemporaine, n’ont pas été écrits par leurs auteurs apparents? Assez peu en littérature et chez les écrivains professionnels reconnus. Et pourtant, quelle angoisse quand «  la panne » survient, et que la date promise de remise du manuscrit à l’éditeur se rapproche. D’où la tentation, si les sujets le permettent, par exemple : historiques ou documentaires «  d’emprunter » d’anciens textes, écrits par d’autres et que l’on suppose oubliés. C’était le cas de cet académicien stoppé dans son inspiration au cours de l’écriture d’une biographie célèbre et ayant emprunté tout un chapitre de l’ouvrage à un confrère moins célèbre.
Passons, des écrivains professionnels, aux « amateurs » auteurs d’ouvrages de non fiction sur de multiples sujets susceptibles d’intéresser de nombreux lecteurs surtout si ces auteurs, sont connus du grand public: hommes politiques, acteurs, animateurs audiovisuels scientifiques… L’écriture, n’est pas leur domaine professionnel, ne relève pas de leur compétence. Et dans la majorité des cas leur éditeur, leur adjoindra un « nègre » qui pourra corriger certaines tentatives d’écriture, mais surtout traduira en langage écrit des informations, des opinions, des confessions exprimées oralement.. et pourra parfois, ajouter des propos, des informations personnelles. Mais, il restera ignoré des lecteurs, son nom n’apparaissant pas sur et dans le livre.
Le processus de rédaction, peut-être parfois, un peu plus complexe. Ainsi, dans le cas de cette biographie d’un Roi de France signé par un homme politique où c’est le « nègre » qui s’était trouvé en « panne » et avait repris clandestinement le chapitre entier d’un ancien ouvrage sur le même sujet.
La partie s’était alors, jouée à trois : l’auteur dont le nom est imprimé sur l’ouvrage, le « nègre » choisi par l’éditeur et l’écrivain réel.
Je ne dispose pas de statistiques précises, mais on peut penser, que dans la production éditoriale française, le nombre d’ouvrages vendus de non fiction ainsi décrits est égal, ou supérieur à celui des ouvrages de fiction réellement écrits par leurs auteurs. Supérieur, certainement en période électorale.

Comment écrire des livres qui ne seront jamais lus.

Tout au long de ce parcours, si nous avons mis en doute les fonctions réelles de lecture d’écriture, et de création, un objet réel se maintenait malgré ces multiples avatars :Le livre.
Abordons maintenant pour en terminer, l’ultime cas : l’absence du livre que l’éditeur n’a pas publié. Combien sont-ils ces ouvrages virtuels, ces manuscrits refusés, par un ou plusieurs éditeurs. Mais parfois heureux événement, après plusieurs tentatives, l’œuvre peut enfin trouver un preneur.
Le cas le plus célèbre est celui du premier tome de  «  La recherche du temps perdu » de Marcel Proust, refusé par plusieurs éditeurs dont la Nouvelle Revue Française de Gallimard, et publié à compte d’auteur par Grasset.
Le cas connu, le plus récent étant celui des aventures de « Harry Potter »de J.K.Rowling refusé par neuf éditeurs, et vendu à cinquante millions d’exemplaires dans cent cinquante
Pays.
J’ai cité plus haut l’ouvrage d’Umberto Ecco «  Le nom de la rose » l’un des best sellers de l’édition mondiale et dont le manuscrit avait été refusé par son Éditeur habituel : Le Seuil, et qui sera publié chez Grasset. Mais nous savons que le «  Voyage au bout de la nuit » de Céline avait été refusé par Gallimard. Des refus, pour Becket, Julien Gracq et sans doute pour beaucoup d’autres restés confidentiels.
Mais alors, si Proust n’avait pas été assez riche pour payer Grasset, si J.K.Rowling s’était découragée après neuf refus, ni La Recherche, ni Harry Potter n’auraient vu le jour.
Et l’on ne peut, évacuer l’hypothèse de Recherche et d’Harry Potter, dont l’un génial, et l’autre passionnant restés à l ‘état de manuscrit et perdus pour les lecteurs du monde entier. Des livres qui ne seront jamais lus.

F. Richaudeau

Histoire de la typographie

L'invention des italiques typographiques



Nous sommes à Venise tout à la fin du xve siècle. Alde Manuce y dirige une imprimerie de premier plan. C’est un chercheur, un innovateur réputé dans toute l’Europe d’alors. C’est ainsi qu’il eut un jour l’idée de fabriquer des ouvrages relativement bon marché, de petit format in-octavo (9 x 16 cm environ), de maniement facile (les «libri portatiles»). Il s’agissait d’une collection consacrée aux classiques latins et aux chefs-d’œuvre de la littérature italienne dans leurs textes les plus purs. Cette collection fut inaugurée par un Virgile, en 1501, qui utilise – pour la première fois dans l’histoire de la typographie – des caractères italiques, que Francesco Griffo venait de tailler. Le but était de reproduire l’écriture manuscrite enlevée que les étudiants pratiquaient pour consigner l’enseignement de leurs maîtres, et d’une façon plus générale celle des lettrés de l’époque. Le succès commercial fut immédiat, si bien que des rivaux d’Alde désiraient produire des livres semblables. Mais un privilège du Sénat de Venise et un autre du pape protégeaient l’éditeur.
Pour faire ces contrefaçons, il fallait être hors d’atteinte juridique, territorialement parlant. C’était le cas de libraires originaires du Piémont, mais associés à des marchands vénitiens, qui avaient fondé la Compagnie lyonnaise d’Ivry (ou Ivrée) à la fin du xve siècle. Les volumes d’Alde, dès leur parution, furent reproduits à Lyon dans le même format et ligne pour ligne (ou presque). Le caractère qu’ils avaient fait graver, très proche de celui de Griffo, était agréable à l’œil et plus lisible, car Alde, dans son souci de reproduire exactement l’écriture, n’avait pas ménagé les ligatures dont l’accumulation nuit au confort de lecture. Pour rester discrets, les contrefacteurs ne faisaient pas relire leurs épreuves par des correcteurs de métier, si bien que leurs impressions comportaient un certain nombre de coquilles. Alde Manuce, comme on peut s’en douter, n’apprécia pas cette concurrence déloyale et publia un Monitum, daté du 16 mars 1503, sous la forme d’un placard dans lequel il met en garde les acheteurs contre les fautes des éditions lyonnaises qu’il détaille.
En 1508, à Lyon, le coupable se découvrit bêtement : un Suetonius (qui n’est pas une contrefaçon), de Gaspar Argilensis, fut imprimé avec le même caractère italique que celui des contrefaçons et signé du libraire-imprimeur Balthazar de Gabiano. Toutes les éditions coupables, réalisées avec ce même caractère, provenaient donc de son atelier. Mais qu’à cela ne tienne! Gabiano continua les contrefaçons, et certaines seront même signées, à partir de 1514, d’un autre imprimeur lyonnais, Barthélemy Trotti (ou Trot), puis par Luxembourg de Gabiano, son propre neveu!
Les privilèges permettaient à l’investisseur (c’est-à-dire l’imprimeur ou le libraire) de rentabiliser, pendant un certain temps, l’énorme coût de son investissement en achat des métaux et le paiement de la main-d’œuvre pour la gravure et la fonte des caractères. Si bien que, quand Francesco Griffo voulut vendre ses caractères les plus demandés à d’autres imprimeurs, comme les italiques dont il revendiquait la paternité, Alde s’y opposa fermement. Les deux hommes se querellèrent une fois de plus, mais cette fois-ci leur collaboration s’arrêta là, brusquement, en 1502. À partir de cette date, Alde ne fit plus réaliser de nouveaux caractères. Griffo, de son côté, s’établit comme éditeur-typographe-imprimeur ; il ne laissa aucun souvenir au-delà de 1518. Mais on sait qu’en 1516, il défonça le crâne de son gendre avec une pièce de métal, peut-être un poinçon, et fut poursuivi pour meurtre à Bologne. Nous ne connaissons pas la suite de l’histoire. On pense qu’il mourut en 1518, sans doute en condamnation de ce crime.

Alde Manuce meurt en 1515, vers 65 ans, épuisé. Il appartenait à une période de transition. Son plus important apport typographique au monde du livre reste la création de ces cursives grecques et latines, c’est-à-dire les italiques typographiques.

Yves PERROUSSEAUX






Légende de l’illustration :

Le caractère italique d’Alde Manuce, gravé par le fameux Francesco Griffo, fit François de Bologne, est utilisé pour la première fois dans ce Virgile, l’un tout premiers in-octavo. Venise, 1501. Taille réelle. On remarquera que les capitales sont encore en romain, c’est-à-dire non italiques.

Apprendre à lire

Entretien avec François RICHAUDEAU et Jean FOUCAMBERT



1) En 1966 paraît « la lecture rapide » de François Richaudeau, en 1976 « La manière d’être lecteur » de Jean Foucambert dont la publication a marqué un tournant dans les conceptions de l’apprentissage de la lecture. Quels ont été les apports réciproques de ces deux ouvrages et des nouvelles recherches ?

François Richaudeau : Pour moi, l’ouvrage le plus fondamental est « La lisibilité », qui m’a permis de creuser la question de la lecture et de sa pédagogie, d’ouvrir un secteur de livres aux éditions Retz autour de ces questions et de leur élargissement à la pédagogie générale. C’est dans cet ouvrage que j’ai déclaré que « l’apprentissage de la lecture avait 1000 ans de retard », en référence au déchiffrement syllabe par syllabe couplée à l’oralisation. Des ouvrages fondamentaux sur ces sujets ont été publiés, notamment : « Comment les enfants apprennent à lire ? » de Franck Smith, la revue « Communication et langages » a traduit un article de Miller George A, décrivant une expérience depuis souvent citée (dans une pièce éclairée à la lumière artificielle, un lecteur lit un texte à voix haute, après la coupure, il poursuit sa lecture. Il avait donc lu avant d’oraliser).

Jean Foucambert : La lecture rapide est le premier livre de François Richaudeau que j’ai lu, en 1969, en livre de poche Marabout, cela a été un choc pour l’inspecteur que j’étais à l’époque. Ce qu’on enseigne n’est pas ce que François Richaudeau nous décrit sur le comportement du lecteur. Dès lors la question suivante s’est posée : comment mettre en place un apprentissage par la voie directe ?. Le principe d’exercices d’un type nouveau a été mis en œuvre dans les fichiers ATEL sous la forme d’un matériel collectif destiné à la classe et utilisé dans des sous espaces. L’écriture d’un petit mode d’emploi aboutira, en fait, à la publication de « La manière d’être lecteur ». De son coté Georges Rémond, a transposé ce même type d’exercices dans un matériel individuel publié par Retz « Je deviens un vrai lecteur ».


2) Quels sont les points de convergence auxquels vous êtes arrivés, en matière de pédagogie de la lecture et les points spécifiques qui ont été développés par l’un et l’autre ?

J.F. Il s’agit de deux entrées distinctes, François est sur une position généreuse et humaniste, pour ce qui me concerne, je pense qu’il faut vraiment changer de logique à la fois sur le plan de l’apprentissage de la lecture et du rapport à l’écrit dans la société.


F.R. Il n’y a pas de désaccord théorique de fond, la lecture est un processus de production de sens, son acquisition passe par la voie orthographique. Les outils d’expérimentation et d’entraînement mis au point ont été différents. J’ai utilisé, pour ma part, le livre avec un rideau noir qui prend toute la ligne et qui descend sur le texte et qu’on fait descendre de plus en plus vite. Le lecteur stimulé note ses performances, une certaine liberté lui est laissée, il s’auto éduque Ma méthode a donné lieu à des séminaires de lecture rapide pour adultes (cadres dans les entreprises). A cette époque a été créé le CEPL (centre d’étude et de promotion de la lecture), entreprise à vocation non commerciale qui a fusionné avec Retz.

J.F. : Cette idée de lecture rapide a fait du mal à l’AFL qui préfère parler de lecture experte (technique) ou de lecture savante (lire entre les textes). Le livre de pierre Bayard * met en évidence le rapport entre les livres et la nécessaire transformation dans notre relation avec les livres. Un livre se réinvente à chaque lecture.


3) Quel bilan dressez vous de vos travaux dans le domaine de l’apprentissage de la lecture notamment dans les pratiques de classe et le regard porté sur la lecture ?

F.R. : Depuis des dizaines d’années, on a parlé de la mort de l’écrit, il n’y a jamais eu autant d’écrits avec l’informatique, c’est déjà une victoire. De nouveaux procédés pour lire et écrire ont été mis au point, la culture du livre et de l’écrit s’est développée, notamment la littérature jeunesse qui connaît un grand succès d’édition. On n’apprend pas plus mal à lire qu’il y a 50 ans, les nouvelles méthodes n’ont pas été appliquées partout. Le niveau n’est pas inférieur aux années 39 ou 50 y compris avec une population immigrée plus importante. Aujourd’hui, avec le retour au BA BA, le mouvement de balancier, se situe à l’extrémité, il amorcera dans le futur un mouvement inverse.

J.F. : Dans la revue « Les Actes de lecture et sur le site de l’AFL (www.afl.org) figurent les résultats de recherches conduites par des équipes de l’INRP, au cours de ces dernières décennies. Elles démontrent qu’il est possible d’apprendre à lire, à bien lire, et sans doute à mieux lire, en ne recevant pas un enseignement du principe alphabétique et de la correspondance graphophonologique. Sur ce point, nos études ne font que confirmer l’expérience de nombreuses classes depuis de nombreuses années et apporte un démenti supplémentaire à une opinion qui ne s’appuie d’ailleurs sur aucun protocole scientifique pour affirmer le contraire. Le choix pédagogique de découvrir un nouveau code linguistique à partir des messages qu’il permet de produire réintroduit l’enseignement de la lecture dans la problématique générale des apprentissages linguistiques, qu’ils soient de l’oral ou de l’écrit, de la langue maternelle ou d’une langue seconde. Ces pratiques rencontrent l’écrit comme système construit et fonctionnant pour élaborer et communiquer de la pensée avant que de réaliser de la transcription phonétique.
Par ailleurs, la question de savoir qui a le pouvoir sur la prise en compte des recherches est fondamental pour comprendre les discours actuels sur la lecture validés par l’observatoire national de la lecture et véhiculés très largement dans les milieux universitaires.

Société

Point de vue sur la parité



La parité entre femmes et hommes dans les instances politiques, administratives ou professionnelles constitue-t-elle un préalable à l'instauration d'une démocratie ou, au contraire, est-elle une preuve de la réalité de cette démocratie ? Est-ce parce que les pays anglo-saxons ou scandinaves sont plus démocrates que la France que les élus y sont aussi bien des élus que des élues ? Est-ce en y imposant des quotas qu'ils sont devenus plus démocrates ? Je l'ignore. Par contre, ce que je sais, c'est que les "pays à quotas" sont des pays communautaristes.

Dans ces pays (qui constituent l'écrasante majorité des démocraties), l'individu n'est souvent reconnu qu'à partir de la reconnaissance de sa (ou ses) minorité(s)d'appartenance. Dans ces pays, on ne connaît ainsi que ce que j'appellerai une "laïcité au second degré". Dans ces pays (tous sauf la Turquie et la France), la laïcité n'est pas inscrite dans la constitution. Par contre la reconnaissance des "minorités" l'est. Vous pouvez y pratiquer n'importe quelle religion, mais vous devez en avoir une. Vous avez droit à un nombre de députés correspondant à l’importance de votre communauté re1igieuse, linguistique, raciale dans le pays.

A l'inverse, la France ne reconnaît aucune communauté alors que l'Union Européenne est en train de la mettre en demeure de les reconnaître, mais reconnaît à chaque individu-citoyen ou citoyenne les mêmes droits (et devoirs, évidemment) que n'importe quel autre individu, sans qu'il ait besoin de revendiquer cette reconnaissance à travers sa langue, sa religion, sa couleur de peau ou son sexe. Sur ce point, je persiste à parler de sexe et non de genre. En effet, pour moi, le genre reste un substantif essentiellement grammatical qui comporte trois catégories : masculin, féminin et neutre alors que le sexe n'en comporte que deux. Et tant pis si, en français, le neutre prend la forme grammaticale du masculin!

J'appartiens à un mouvement pédagogique, les CEMÉA, qui revendique un fonctionnement démocratique. Nous n'y avons jamais fixé de quota de représentativité au conseil
d'administration de l'association des CEMÉA de la région PACA qui comporte pourtant, depuis sa création, autant d'hommes que de femmes.

En résumé, pour moi, la parité n'est pas une condition mais une conséquence de la démocratie. A l'inverse, imposer des quotas de femmes, d'athées, de jaunes, de retraités ou de handicapés physiques constitue une régression de la démocratie en reconnaissant non plus comme individu-citoyen, mais comme échantillon d'une communauté sexuelle, religieuse, raciale, d'âge ou médico-sociale. Où est l'avancée démocratique ?

Gérard A. Castellani IA IPR honoraire

Article de "la Provence" du 26 février 2007

François Richaudeau reçoit la légion d'honneur

Discours de François Richaudeau


PARCOURS D’UN HUMANISTE FERU DE TYPOGRAPHIE ET DE LECTURE

En préparant cette causerie, une figure m’est apparue résumant mon itinéraire culturel : la boucle.
A son origine : il y a une cinquantaine d’années, un village perdu, où – jeune ingénieur- un ami m’avait emmené pour assister à un colloque sur la typographie organisé par les Rencontres Internationales de Lurs.
La typographie était présentée, non comme une technique isolée ; mais au sein d’une constellation d’autres activités : édition, arts plastiques et même philosophie...

Je découvrais et j’admirais un coin de la France qui m’était inconnu : la Haute Provence.
Et un univers de formes graphiques : des caractères d’imprimerie et des mises en page ; bien plus complexes et riches dans leurs dessins et dans leurs histoires que je ne me l’imaginais.
Avec néanmoins des questions sans réponse, sur leurs lectures.

Et en toute inconscience, je montais un laboratoire d’études des lisibilités en observant et mesurant les trajets oculaires, les compréhensions, les mémorisations et les vitesses de lecture de 60 cobayes : depuis l’agent technique jusqu’au lecteur prodige.
Et ce sont les résultats de ces observations qui ont été le point de départ et à la base de mes travaux sur la lecture et l’écriture. En contradiction parfois avec des croyances qui n’étaient que des préjugés sur les lisibilités typographiques et linguistiques et même en contradiction avec des règles pédagogiques universitaires « du bien écrit ».
Les résultats sur plusieurs dizaines d’années ont: donné dix ouvrages sur ces sujets, depuis « La méthode de lecture rapide»1 qui porte mon nom et qui est davantage une méthode de lecture efficace et moderne.
jusqu’à l’ouvrage, « Ce que révèlent leurs phrases » 2 qui comporte des analyses de linguistiques quantitatives sur les écrits de trente auteurs, de San-Antonio et Simenon jusqu’à…Proust et Descartes.
Les phrases les plus longues n’étant pas celles du romancier, mais celles du philosophe.
Et puis, des publications de périodiques, la revue Communication et Langages et le magazine Psychologie, des articles dans des revues internationales et de nombreuses conférences dans toute la France, mais aussi à l’étranger en Belgique, en Suisse, en Italie, en Allemagne, en République Tchèque, en Hongrie, en Tunisie, au Maroc, au Sénégal, au Canada (nombreuses) et aux USA notamment en Californie.
Un parcours culturel original, qui a séduit un bon nombre d’enseignants leur révélant les natures profondes de la lecture et de l’écriture. qui, intéressera l’Unesco laquelle me commandera un ouvrage sur les manuels scolaires, traduit en anglais et en espagnol.
Mais un parcours semé d’embûches avec des oppositions depuis celles de traditionalistes, jusqu’à celles d’intellectuels branchés, sans oublier les psychologues cognitivistes pointus.
Et je n’ai pu parvenir au but que grâce à de nombreux soutiens dont je veux remercier ici leurs auteurs :
- Les collaborateurs des Éditions Retz, que j’ai créées qui ont publié mes ouvrages sur ces sujets, avec des efforts originaux de diffusion et de promotion.
- Les nombreux soutiens : d’universitaires, de chercheurs en pédagogie, d’enseignants, de typographes, d’artistes graphiques, de managers et d’érudits. Jusqu’à ceux de simples amis éclairés.
- De nos jours ces relations sont toujours vivaces en particulier dans notre région au sein d’un réseau culturel, depuis Sisteron, dont la Bibliothèque pédagogique porte mon nom, jusqu’à Toulon avec notamment la publication d’une mini revue de « la Gazette de Lurs ».
Merci aux responsables politiques de la région qui ont accompagné avec bienveillance toutes mes activités.
Merci aussi à ma famille, dont plusieurs membres sont ici présents, à mes petits enfants venus de Paris et d’Espagne, à mes trois filles et leurs époux et surtout à mon épouse qui m’a toujours soutenu dans des moments difficiles et m’assiste encore dans mes activités d’auteur. Un demi-siècle de tendresse et d’amour.
Et la boucle, que j’évoquais au début de cette causerie, se referme 50 ans plus tard, dans ce même village de Lurs, mais avec une nouvelle génération de chercheurs et d’amis.
Et, en votre compagnie à tous ici présents à qui je dis merci.

François Richaudeau, Lurs le 23 février 2007