Linguistique

Du signifiant au signifié


C’est Ferdinand de Saussure dans son Cours de Linguistique Générale (référence à mettre)
qui montre, la double nature de chaque mot de notre langage, analysable en signifiant et signifié, le signifiant exprimé en langage oral ou en langage parlé, le signifié plus mystérieux, correspondant au sens du mot. Ou plus généralement à ces sens compte tenu de la polysémie de notre langue.
Structurellement, nous pouvons représenter cette analyse au sein d’un immense réseau par plusieurs nœuds au confluent de plusieurs facteurs :
- un nœud pour le signifiant à la convergence d’alphabets de signes phonétiques ou écrits,
- ce nœud relié à un nœud ( ou plusieurs en cas de polysémie ) ou convergent différentes informations de natures sensorielles ou abstraites,
Une question alors se pose : ce couplage entre signifiant et signifié est-il permanent, obligatoire. Autrement dit, quand nous pensons à un objet mental, notre esprit le relit-il obligatoirement à un signifiant en l’articulant soit en le chuchotant imperceptiblement ou même purement mentalement. La question est d’importance, rappelons l ‘affirmation de l’apôtre Jean…. « Au début était le verbe …Par lui tout a existé et sans lui rien n’a existé de ce qui existe » et plus près de nous l’affirmation de Merleau Ponti « Une pensée qui se contenterait d’exister pour soi hors des gènes de la parole, tomberait dans l’inconscient, ce qui revient à dire qu’elle n’existerait même pas pour soi »
Ce qui semble en contradiction avec les confessions de chercheurs éminents, concernant leurs
Processus de création. Plus prosaïquement comme il arrive à certains d’entre nous devant présenter quelqu’un d’avoir oublié son nom (son signifiant ) alors que notre mémoire sur son compte est riche d’informations ( son signifié) tant matériel qu’affectives et intellectuelles
Et, l’on sait que le très jeune bébé, incapable d’articuler des mots, est déjà riche de comportements mentaux. Réflexions, qui ne peuvent évidemment masquer les interactions entre langage et pensées qui historiquement ont été à la base de nos civilisations.
Mais reconnaissons cette hiérarchie entre les deux concepts : alors que les signifiés sans signifiants, peuvent exister utilement, tandis les signifiants sans signifiés, ne présentent aucune espèce d’intérêt.
Trêve de généralités abstraites : il n’empêche que des réflexions sur le couple signifiant, signifié pourraient peut-être nous aider au sein de certaines activités pédagogiques : par exemple l’apprentissage de la lecture.

F.Richaudeau

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ais SIGNIFIANT ET SIGNIFIE
Image mentale et verbalisation



Quelles que soient l’universalité et la pérennité des notions introduites par le fondateur de la linguistique structurale, Ferdinand de Saussure participe de son temps. Et son temps est à la recherche d’unités discrètes : de Mendeleiev à Perrin et à Planck, mais aussi de Köhler à Kandinsky et Iten, pour ne s’en tenir qu’à leurs seuls domaines de compétence, chimistes et physiciens, plasticiens et psychologues sont à l’affût des éléments de leur discipline.

Il est patent que les distinctions de de Saussure s’appliquent au seul langage articulé, inaccessible à l’infans, qui, conformément à l’étymologie de ce terme, se révèle inapte à l’élocution. Cependant, il y a lieu de penser que le nouveau-né est traversé de « frayages », comme le dit le psychanalyste, avant qu’il ne soit en mesure de fixer son regard et d’enregistrer mentalement certaines images particulièrement prégnantes, eu égard à la fréquence de leur répétition. Simultanément, ces images visuelles se trouvent d’emblée associées à des bruits, à des sons, comme à certaines sensations proprioceptives.

Lacan l’a décrit, le stade dit « de la bobine », coïncidant avec le va-et-vient, soit avec l’apparition et la disparition de ce jouet suspendu au-dessus de son berceau, permet au bébé de faire le « saut » du « fossé » béant au bord de sa couche : « C’est avec son objet que l’enfant saute les frontières de son domaine transformé en puits et qu’il commence l’incantation » : par le truchement de l’ « incantation », l’infans accède à la dimension symbolique par excellence que constitue le langage.

Le langage, enfin, constitue le lien – et le liant – social par excellence. De Saussure y insiste dans sa définition de la sémiologie, il s’agit pour lui de concevoir « une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ». Autrement dit, si le signe verbal formule un dipôle de signifiant et de signifié, il n’en reste pas moins que la relation entre signifiant et signifié dépend à son tour du double contexte de la psychologie personnelle du locuteur, de ses connaissances, de son expérience, et des circonstances dans lesquelles il est appelé à produire son discours.

De surcroît, la façon même dont de Saussure illustre son propos en représentant le signe comme une formule de fraction arithmétique, soit sa en position de numérateur, et sé en position de dénominateur, montre qu’il y a une barre à franchir entre eux, comme s’il s’agissait d’une forme de « censure » opérée par l’inconscient.

Quel que soit le caractère discutable de cette dernière interprétation, il n’en reste pas moins que la verbalisation permet d’objectiver la connaissance que l’on a des phénomènes et de traiter de ces derniers in abstentia, c’est-à-dire en les évoquant indépendamment des circonstances spatio-temporelles qui président à leur manifestation. Cette verbalisation n’est à son tour possible qu’à l’intérieur d’un dispositif synchronique, soit à l’intérieur d’une langue, donnée comme un tout, au sein duquel les termes renvoient les uns aux autres. La prise de parole, elle, implique un discours diachronique, qui emprunte ses mots à la langue.

Quand Lacan déclare que l’enfant qui naît « entre dans un discours », il entend par là que, dès ses premiers émois, le bébé apprend progressivement à coupler ses sensations avec une terminologie qui classe et ordonne les phénomènes, en fonction du système de valeurs intrinsèques à la langue et à la culture que cette dernière véhicule. Roland Barthes n’hésite pas à reconnaître, dans toute langue, une vocation « fasciste », car elle « oblige » à dire … !

En résumé, et pour corroborer ce qu’en dit François Richaudeau dans la livraison No 24 de la Gazette de Lurs, il est probable, certain même, que notre mémoire est riche de signifiés accumulés au cours de l’existence, mais que nous ne sommes pas toujours en situation de convoquer, à volonté, les signifiants qui doivent leur correspondre. En revanche, il est clair que nos images mentales restent marquées au coin des signes linguistiques que leur usage a invétérés en nous, et que tout monologue intérieur n’est jamais que le substitut d’un dialogue que nous entretenons, en notre for intérieur, avec nous-même, par le détour du langage. Enfin, la relation entre signifiant et signifié, comme celle entre signes, sont de type dialectique ; c’est par leur jeu (comme on dit qu’il y a du jeu dans des rouages) que l’on peut communiquer entre interlocuteurs ; sinon, le système serait bloqué. N’est-ce pas le propre des dictatures que de fantasmer un langage univoque ? …

Bien qu’il soit décédé prématurément, en plein essor de sa carrière et de sa recherche, les distinctions introduites par de Saussure restent fécondes. Ce serait intéressant de les confronter avec le schéma traditionnel de la théorie de la communication, qui postule la coexistence d’un émetteur et d’un récepteur, en enrichissant ce dernier : le dialogue ne suppose pas seulement l’alternance et la réciprocité de ces deux fonction, mais encore un échange d’une complexité accrue, si on l’envisage ce que nous savons de l’analyse transactionnelle, soit la tripartition de chaque individu en trois « états du moi », selon Berne, qui distingue le Parent, l’Adulte et l’Enfant, que nous restons à notre insu …



Jacques Monnier-Raball